Etrange destinée - Le "barda"

Etrange destinée - Le "barda"

Messagede Tamara le 29 Sep 2008, 19:19

Mon oncle a eu deux fils nés un 31 décembre, à son domicile comme c'était la coutume entre les 2 guerres. Les sages femmes ont proposé de déclarer leur naissance le 1er janvier, pratique courante à l'époque. Mon oncle a chaque fois refusé fermement. Et devant leur étonnement ... il a donné les raisons de ce refus.

Son père (donc mon grand-père que je n'ai pas connu) avait un ami qui, saisissant l'opportunité de faire gagner une année civile à son fils né un 31 décembre, l'a déclaré le 1er janvier de l'année suivante ... et la vie continua pendant environ 50 ans sans problèmes majeurs.

Cette déclaration anodine, faite dans de nombreuses familles de l'époque, va changer la destinée d'un tranquille père de famille quadra/quinquagénaire lorsqu'arriva la date fatidique ...

1914, déclaration de la guerre ... appel au front de tous les réservistes ... et la dernière classe à partir au front a été celle de l'année de naissance déclarée de ce père tranquille.

Et c'est ainsi qu'à 50 ans cet homme, qui aurait dû rester chez lui sans cet artifice calendaire, se retrouva avec des "jeunots" à marcher sur les routes de France, tous vêtus de lourds vêtements (capote, godillots, ceinturon muni des pochettes à munitions, etc), le fusil-baillonnette à l'épaule et le "barda" au dos...

Il ne revint pas de cette foutue guerre ...

J'ai trouvé sur le web "ENUGMIS HISTOITRE" une description du BARDA, paquetage du fantassin de 30-31 kg, que le POILU devait toujours avoir sur le dos lors des déplacements pour aller d’une ligne à une autre et pour monter a l’assaut :
-Sac à dos de forme carré
-Vêtements de rechange
-Trousse de couture
-Brosse à habit
-Bonnet de nuit
-1 second mouchoir
-1 bonnet de police 1891
-1 seconde chemise
-1 havresac contenant 1 paire de lacet
-Bretelles de pantalon
-Matériel de toilette (savon...)
-Produits de lessive
-Sachet de pansements individuels
-Couverture pliée au dessus
-Toile de tente, utilisable comme vêtement de pluie
-1 Révolver lance-fusée
-1 Lampe électrique
-Compresses de protection contre les gaz
-Gamelle et couverts
-Bidon 2 litres
-Paire de brodequins renforcés de rechange (sur les côtés)
-Ouvre-boites
-Ceinturon avec plaques
-Masque à gaz
-Porte-baïonnette

Tamara
Tamara
 

Re: Etrange destinée

Messagede Fille du vent. le 30 Sep 2008, 18:17

Je n'en reviens pas : 30 kilos sur le dos pour s'extraire de la tranchée le plus vite possible ?
Fille du vent.
 

Re: Etrange destinée

Messagede Bertha le 30 Sep 2008, 22:54

Tamara, tu n'as pas plutôt trouvé cette liste dans Prévert ?
Bertha
 

Re: Etrange destinée

Messagede GG le 06 Oct 2008, 18:16

L’Inventaire du Barda du Poilu de 14 par Tamara est intéressant, difficile à trouver. On pourrait y ajouter quelques remarques de détails.

La trousse à couture s’appelait trousse « petites montures ».

Tous les soldats n’avaient pas de pistolet lance-fusée. Ils disposaient tous par contre d’une boite de graisse à chaussures. Les brodequins réglementaires de l’époque, en excellent cuir, étaient de très bonne qualité. La semelle, protégée par des clous à tête ronde, permettait au pied de respirer, tout en étant étanche. On les appelait « Clémenceaux ».

Chaque soldat était porteur d’un outil. Par escouade il y avait plusieurs types d’outils : scies, serpes, hachettes, pinces, cisailles à fil de fer, tenailles, marteaux…Des qu’il fut mis au point, le masque à gaz est venu s’ajouter à ce fourniment. Chacun avait le sien dans une des trois tailles, grande, moyenne, petite.

A un moment de la guerre que je ne saurais préciser apparut un nouvel outil individuel, une petite pelle-bêche nommée » pelle de tranchée ». Elle permettait de creuser en restant couché. Elle s’ajoutait, pour le terrassement, aux pelles et pioches dites « de parc » en dotation à la compagnie. C’est avec ces seuls instruments que les combattants remuèrent des millions de mètres cubes de terre.

On n’avait pas encore inventé le sac de couchage dit »sac à viande ». Le couchage du soldat en campagne était constitué d’une couverture dite « de cheval » et d’un quartier de toile de tente, en triangle. Ces deux pièces, l’une enveloppée dans l’autre, étaient portées roulées sur le haut du sac. Détail touchant, certains sacs de l’escouade s’ornaient, sur leur sommet, des deux moulins à café en dotation. Souvent, le café étant remplacé par de la chicorée, les moulins ne servaient pas. Mais on en prenait soin. L’escouade les » avait en compte ».

Le sac n’était pas forcément emmené à l’assaut. L’ordre de l’emmener, donné aux premières vagues était interprété par les hommes comme l’indice d’une action offensive facile. Dans le cas contraire, signe angoissant d’une attaque prévue difficile, les sacs, avec le nom de leur propriétaire écrit à la craie, étaient laissés dans une « parallèle de départ ». Une « corvée » les acheminait, plus tard, à la faveur de l’obscurité. Encore plus tard, beaucoup de ces sacs étaient renvoyés à l’arrière. Leur détenteur n’était plus là pour les réceptionner.

Les attaquants, sans sac, ne partaient plus qu’avec leur fusil et ses cartouches, leur masque à gaz, l’outil individuel et des musettes, très lourdes, de grenades quadrillées, les fameux « citrons ». Ces grenades permettaient le « matraquage » de la tranchée ennemie au moment de son abordage, le « nettoyage » des abris et cagnas pendant son occupation, le »coup d’arrêt », âpres, à la contre-attaque immanquablement lancée par l’ennemi en vue de reconquérir son terrain perdu.

Si «on tenait bon », il fallait s’attendre à une »vengeance » d’artillerie. De ce fait on se retrouvait fatalement isolé de ses arrières. Le ravitaillement n’arrivait pas. C’était, chaque fois, des heures interminables de souffrance pour les blessés, de soif torturante pour tous.
La fièvre déshydrate terriblement, mais aussi la peur et l’action.
GG
 

Re: Etrange destinée - Le "barda"

Messagede Tamara le 21 Oct 2008, 17:41

Merci GG pour toutes ces informations riches d'enseignement qui viennent compléter très avantageusement ma modeste expérience de cette période douloureuse. Je pense qu'au commencement le soldat ne devait pas se séparer de "ses affaires" ... puis les assauts, le conflit ... ont dû démontrer que l'efficacité mais aussi la survie nécessitaient un allègement des charges. Courageux soldats qui méritent que l'on ne les oublie jamais...

Merci "souffle et chemins" d'avoir permis ces échanges

Tamara
Tamara
 


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