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La photo. |
Par Pierre Moissac, à Cergy.
Une vieille maison alsacienne à colombages,
géraniums aux fenêtres et un escalier qui craque pour
mener aux chambres. Au rez-de-chaussée, une grande pièce
avec, au fond, une alcôve où se réfugient le
grand-père et la grand-mère dès la tombée
du jour. A l’entrée de ce séjour, à droite,
derrière la porte, une grande photographie sous verre, trône
au-dessus d’une machine à coudre Singer. Nous qui regardions cette grande brochette de jeunes soldats allemands parés pour aller au front, nous tentions de reconnaître les traits du grand-père. De le détacher de tous ces visages inconnus, figés afin de respecter les consignes du photographe.
Pour
nous, enfants en vacances chez nos grands-parents en Alsace, c’était
le seul souvenir de la Grande Guerre. Le principal intéressé
ne se répandait pas en souvenirs de guerre. Nous savions
seulement que les « gaz » avaient atteint ses
poumons et qu’il en subissait les conséquences pour sa
santé. Le grand-père gardait ses souvenirs dans la
tête. Ils lui appartenaient entièrement. Au point de
faire intimement partie de lui-même. Demeurait seulement,
offerte à tous les regards, la photo de groupe encadrée,
fixée au mur au-dessus de la machine à coudre Singer,
derrière la porte.
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