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Comprendre l'hécatombe et l'enfer du soldat de la première guerre mondiale |
par "Le Commodore" Pour comprendre l'hécatombe et l'enfer du soldat de la première guerre mondiale, il faut réaliser qu'elle vit la conjonction de deux paramètres:
1- Les hommes sont pétris de
principes, respectueux des valeurs viriles et romantiques. Une partie
de la population française est chrétienne, en majorité
catholique, l'autre athée, voire "anti-calotin",
mais de structure morale chrétienne. Toutes deux communient
dans le même culte, celui intransigeant de la PATRIE, humiliée
par la défaite de 1870. Ce sentiment a été
inculqué, avec le sens rigoureux des valeurs morales
fondamentales, par un corps d'enseignants remarquables qui pratiquent
davantage un sacerdoce qu'un métier. 80% des citoyens en armes
sont des ruraux pour qui la notion de sol sacré n'est pas une
vaine et fumeuse abstraction. Cette qualité humaine, digne du
combat antique, explique la tenacité, le courage délirant
avec lesquels ils vont supporter l'impensable pendant quatre
interminables années. Ils vont subir les effets de la guerre industrielle dont ils ne seront protégés que par le drap de leur uniforme et le cloaque des trous dans lesquels ils vont s'enterrer. 2- Les fusils sont à répétition. Ils tirent juste, vite et loin, sans fumée. Les mitrailleuses ne sont plus ces engins expérimentaux lourds à plusieurs canons sur affût, tirés par des chevaux. Elles n'ont plus qu'un seul canon, refroidi pendant le tir, alimenté par bande. Facilement déplaçables à dos d'homme elles peuvent tirer "en continu", croisant leur feu. Elles tissent ainsi des "nappes" de balles, infranchissables par les seules poitrines humaines. Les canons, eux, disposent de freins hydrauliques. Il n'est plus nécessaire de les repointer après le départ du coup. Ils reviennent en batterie chaque fois. Ceci autorise des cadences de tir hallucinantes - Plus de 10 coups/minute, parait-il, pour une équipe de pièce entraînée avec le 75 modèle 1897 français – Un tir d'artillerie en arrive à remuer plusieurs fois chaque mètre carré de son objectif. La consommation d'obus est délirante et prend de court les deux camps dès le début du conflit. Ils sont contraints de créer, en urgence, de nouvelles usines d'obus dans la première année de la guerre.
Cette artillerie sera à
l'origine de 70% des pertes. Il faut ajouter à cet arsenal,
effarant pour l'époque, des armes d'apocalypse : des mortiers
ou "crapouillots" qui arrosent le fond des tranchées,
des "marmites" qui bouleversent des pans entiers de
terrain, les lance-flammes, les tanks, les avions, une guerre de sape
et de mines à une échelle jamais envisagée –
On fait sauter toute une hauteur avec l'ennemi qui la défend- Enfin l'horreur au sein de l'horreur, les gaz. Plus lourds que l'air, ils coulent dans les tranchées, les abris, les "cagnas". Tant qu'il n'y a pas de vent, ils stagnent, obligeant les hommes à rester sous le masque dans le seul endroit où ils peuvent aller, la tranchée. Peu à peu la terre absorbe ces vapeurs empoisonnées, s'en imprègne. Certaines zones de combat – les fameuses zones rouges- 60 années plus tard, ne pourront plus porter d'autre végétation que malingre et rabougrie. Sous le masque, les hommes étouffent, paniquent. Certains deviennent fous, arrachent leur masque et meurent la gorge, les poumons brûlés. Pour les autres, il fallait endurer, rester calme, ne pas penser à cet air vicié, mortel, qui noyait tout. Il fallait surtout garder son sang-froid quand en pleine alerte, on en arrivait au moment où il devenait nécessaire de changer la cartouche saturée. Bloquer la respiration déjà difficile, dévisser la cartouche, visser la suivante, résister à l'angoisse des premières reprises de la respiration. Quand les brouillards empoisonnés étaient dissipés la fin de l'alerte sonnait. On enlevait enfin le masque maudit qui avait permis de survivre et on respirait avec délice l'odeur écoeurante et infecte de viande pourrie qui baignait le vaste cimetière à ciel ouvert dans lequel on vivait. |
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