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Carnets de campagne d’Alphonse du 3 septembre 1914 au 10 av

de charlotte le 28 Oct 2008, 21:10

Grenoble le 16 janvier 1915
Ma bien chère petite femme,
Je pars sur le front où m’appelle le devoir. Si Dieu me demande une partie de mon sang, je le remercierai. Si, pour le salut de la patrie, il faut que je donne ma vie et que je tombe sur le champ de bataille, je pourrais souhaiter une mort plus belle !
Dans ce cas, ma bien aimée, je te confie nos chers enfants.Tu leur parlerais souvent de moi, j’espère qu’ils n’auront pas à rougir de leur père. Fais en des femmes fortes (à ton image ) et des hommes vaillants
Quant à toi, ma bien chère petite Thé, tu partagerais avec eux ma dernière pensée
Mais, rassure toi, aucun sinistre pressentiment ne m’assiège ! Mais il faut tout prévoir ! Sachant qu’en défendant ma patrie, je défendrai mon foyer, ma famille, je partirai au feu , la conscience nette, le cœur battant un peu plus fort peut-être, mais persuadé que protégé par Dieu , je te reviendrai vivant et victorieux. Et comme tu me le disais souvent dans tes lettres, nous chanterons ce jour là, un fameux Te Deum …

de Charlotte le 28 Oct 2008, 22:15

Jeudi 5 novembre
Les nuits passées sur la paille offrent des surprises. Liévin est mon voisin dans la nuit du mardi au mercredi, me réveillant je ne le vois plus près de moi. Au réveil je l’aperçois couché sur deux bancs. Il paraît que la nuit il s’était réveillé deux fois ayant une souris qui lui grignotait la moustache, alors il s’était mis sur deux bans pour éviter cet ennui.
Hier mardi nous sommes partis aux jardins on devait exécuter un manœuvre, l’attaque des tranchées occupées par une autre cie, puis occuper ces tranchées et y passer la nuit. Comme il pleuvait on nous fit cantonner dans une ferme. La nuit une alerte se produisit. Un réserviste au milieu d’un cauchemar cria « au feu » ce fut une débandade générale. J’ai beaucoup ri, car pour moi qui ne dormait pas, je m’étais rendu compte qu’il n’y avait rien. Le spectacle de ces hommes se levant d’un seul bond et se bousculant était drôle. L’un d’eux fut même ému au point de nécessiter un départ immédiat pour…le champ voisin.

de Charlotte le 28 Oct 2008, 21:37

Vendredi 11 septembre
Nous partons à 9h50 pour Angoulème …
Dans le train, j’étais à côté d’un jeune musicien du 73 ème qui s’était foulé le pied et qui se trouvé être le neveu de M.Guillement, chef de la musique de Comines. Un blessé du 207 nous raconte comment s’est passé pour son régiment la bataille de Bapaume. Surpris dans le brouillard en formation compacte le régiment fut décimé.Presque tous les blessés sont touchés aux jambes, les blessures généralement peu graves, guérissent très rapidement de l’avis d’un major qui nous cause.
Episode de la bataille de Dinant raconté par un soldat. Un caporal français est pendu par la nuque, par les allemands, à une grille. Se soutenant sur la pointe des pieds, il trouve l’énergie nécessaire pur es tenir ainsi pendant 5h, arrive un belge qui le délivre. Un capitaine allemand fait prisonnier avoue le forfait, il est fusillé. …

de Charlotte le 28 Oct 2008, 23:37

Samedi 20 mars
Je viens de passer 2 jours en 1ère ligne, les tranchées ont ét » arrangées par la cie que nous avons relevée etqui a profité du beau temps pou cela. On a mis au fond des boyaux du bois, inscrit sur les cagnas des noms de des noms de villa volupté, où il y a une petite sonnette qu’on tire à l’intérieur des lambris, une suspension pour bougies faite avec une cloche pou fum[…], un fond de boite comme réflecteur et du fil de fer tourné pour bougeoir. Villa x, y, z, Place genette. Un petit carrefour on y a fait un banc et quand on est en face de soi 2 pots de confiture vides dans lesquels on a planté des fleurs. Puis il y a la grande rue etc… La nuit nous avons pris les petits postes à 30 mètres des allemands. J’étais de sentinelle avancé.Pendant 5h couché sur une claie sans bouger. Je n’ai pas eu froid. Mais la seconde nuit même position. Il faisait nuit noire. On ne voyait pas à 1mètre, il a plus tout le temps. Les yeux ne servaient pas et nous avions l’oreille tendue au moindre bruit, le doigt sur la gâchette du fusil. Un moment nous crûmes à une attaque mais c’était une fausse alerte. Tout se passa bien mais je rentrais dans ma cagna tout transi de froid et d’eau
Bonjour ma bien chère aimée petite femme. Le beau soleil de printemps qui brille me fait penser aux bonnes journées que nous passions ensemble dans notre jardin, entourés de nos chers enfants. Que ces jours heureux reviennent vite ! Je pense souvent à toi. Tout revit dans la nature, les plantes reverdissent, les petits oiseaux saluent de leurs chants le réveil du soldats dans la tranchée, la nature continue son œuvre de vie, l’homme seul poursuit son œuvre de mort. Quand tout cela finira-t-il ? Hier fête de st Joseph, je l’ai bien prié au fond de ma cagna…
Pendant mes heures de sentinelle j’ai pensé souvent à ces malheureux que la mort fauchait ! Que de deuils ! Que de douleur ! Pauvre pays de France ! Combien restera-t-il encore après la guerre de jeunes hommes sains et intacts ? Par cette belle journée des aéros (5 ou 6 ) sillonnent le ciel bleu et sont saluées d’innombrables coups de canons qui font dans le ciel des points blancs s’élargissant et disparaissant en nuage